Vers un nouvel indice économique
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Axée sur une logique marchande, la bonne santé de la société capitaliste moderne n'est aujourd'hui évaluée qu'en termes économiques, financiers. L'outil PIB (Produit Intérieur Brut, production de richesse réalisée au sein d'un territoire en une année) comme seul indice pour décrire la bonne ou mauvaise santé d'un pays reflète le caractère purement macroéconomique de nos sociétés, à savoir centrée sur une croissance globale et financière, plutôt que sur l'épanouissement et le bien être des citoyens. Ainsi trouve-t-on de nombreux exemples de pays en croissance et à fort PIB dans lesquels la richesse, inégalement répartie, profite à quelques uns quand la majorité des citoyens sont dans des situations de vie extrêmement rudes. L'Allemagne est ainsi souvent citée en exemple comme une des sociétés les plus productives d'Europe d'après les indices économiques, alors que plus de 13 millions de ses citoyens vivent sous le seuil de pauvreté.
Afin de pouvoir décrire l'évolution des conditions de vie d'un peuple, les sociétés du 21ème siècle doivent se pourvoir d'un nouvel indice.
L'exemple du Bouthan
Un exemple fort instructif est celui d'un petit état situé au cœur de l'Himalaya, le royaume du Bouthan.
Le Bhoutan en effet refuse "la dictature du produit intérieur brut (PIB)" et de la croissance économique à tout prix, en proposant un nouvel indicateur de richesse : le bonheur national brut (BNB). Lancé en 1972, ce nouveau concept s’appuie sur quatre piliers : la protection de l’environnement, la conservation et la promotion de la culture bhoutanaise, la bonne gouvernance et le développement économique responsable et durable.
Aujourd’hui, le BNB irrigue toute la vie du pays, entraînant de profonds bouleversements dans l’agriculture (objectif : 100% biologique en 2020), l’éducation nationale, où l’on prépare les élèves à devenir des "ambassadeurs du changement", la gestion des ressources naturelles (réglementation stricte de l’abattage des arbres et de l’exploitation minière), la santé - gratuite pour tous -, le tourisme - haut de gamme -, ou le commerce (non adhésion à l’Organisation mondiale du commerce)[1]. Ce petit état est ainsi passé du Moyen Âge à la modernité en moins de cinquante ans. Une voie vers une société durable et plus équitable?
Le Bonheur, facteur et indicateur de progrès
Au delà du rejet de l'uniforme - fût ce t-il destiné à gommer les différences sociales - du bouddhisme (qui enfreint les règles de la laïcité) et du rejet d'une royauté quand bien même elle serait éclairée que nous manifestons à l'égard de cet exemple, attardons nous sur le concept de BNB.
Un indicateur unique au monde qui supplanterait ou accompagnerait les PIB et PNB chers à nos économistes, gouvernants et médias pour qui la simple évocation de "bonheur" est source de prurit urticant incontrôlable (surtout quand il s'agit du bonheur autre que le leur) et constitue une hérésie qui ne colle pas au catéchisme capitaliste. Et si nous nous en inspirions ? Bonheur ? C'est un gros mot pour les uns mais un élément clef d'une société progressiste! Il implique le sourire, le rire, la joie de vivre, la douceur de vivre, un toit, de quoi se nourrir, l'amour, l'amitié, la convivialité, le partage, la paix, la tranquillité, la fête, le respect, les livres, les spectacles, les bons progrès techniques qui nous libèrent, la santé, le savoir, la gastronomie, l'air pur, la nature, les vacances, ...
Un Indicateur synthétique de progrès humain
Bien entendu nombreux sont ceux qui objecteront qu'un tel indicateur est difficile à rationaliser. Pourtant ce concept pourrait être défini démocratiquement afin d'orienter les progrès de notre société vers un "bien vivre" collectif. Des facteurs simples peuvent être discutés et définis sans ambiguïté:
- L’épanouissement personnel et l’émancipation : respect des libertés, étendues de ces libertés (mariage pour tous? droit à l'avortement? droit à mourir dans la dignité? droit au logement? accès à l'eau? accès à la formation?...), éducation, amélioration des conditions de travail, espérance de vie en bonne santé…
- La sociabilité et la cohésion sociale : développement de la vie associative, taux d’emploi, niveau de protection sociale, prise en compte de toutes les dépendances, de l’isolement…
- L’égalité et la justice sociale : inégalités de patrimoine et de revenu, reproduction sociale, égalité femmes-hommes, égalité d’accès à la culture, aux services publics…
- Respect de l’environnement : empreinte écologique, pollutions, taux d’émission de CO2…
- Prise en compte de facteurs de satisfaction (sondable auprès de la population) : Êtes vous satisfait de votre emploi? Êtes vous pris en charge correctement au niveau de la santé? Combien de temps consacrez vous à votre transport? Vous sentez vous libre de changer de travail? Votre revenu vous semble-t-il suffisant? Avez vous l'impression de vivre dans un environnement pollué? Pensez vous que vos conditions de travail interfèrent avec votre situation personnelle?...
Certaines de ces propositions étaient déjà présentes dans le programme "L'Humain d'abord" et font partie intégrante du projet proposé par la France Insoumise.
La composition exacte de l’Indicateur synthétique de progrès humain (ou IPH) pourrait faire l’objet d’un débat populaire, et être soumise au Parlement. Ainsi l’IPH serait un instrument démocratique permettant à la société de débattre de ses objectifs. Un tel indice pourrait évaluer la politique à tous les niveaux de gouvernance : national, communal, régional, et servirait à établir un bilan reflétant fidèlement le bien ou le mal vivre, au delà d'un simple débat de chiffre sur le chômage (souvent biaisé par la précarisation des contrats de travail) ou sur la production annuelle (PIB qui bien souvent intègre des richesses générées à partir d'éléments très négatifs qui eux ne sont pas pris en compte, rappelons le, les réparations des voitures accidentées, des catastrophes écologiques - voir Toulouse - ou climatiques et autres incidents qui n'ont rien à voir avec la croissance harmonieuse imaginée).
La création d'un tel indice permettrait par exemple d'indexer le niveau d'imposition d'une société : taxer l'entreprise autoritaire, polluante, ne répartissant pas ses bénéfices équitablement, et surtout booster, donner de l'air aux entreprises innovantes, créatrices d'emploi, éco-responsables, respectueuse de l'humain, etc. Cet indice pourrait servir d'exemple aux peuples d'Europe, et pourquoi pas servir un jour de base à une harmonisation sociale européenne.
Le choix des programmes de recherche et d'innovation serait alors motivé par autre chose qu'une simple conquête industrielle, productiviste et à fortiori destructrice de bien être...
[1] http://info.arte.tv/fr/bhoutan-au-pays-du-bonheur-national-brut
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