Mélenchon à contre-courant
Drôle de semaine dans les médias car, faits plutôt inhabituels, on nous diffuse un documentaire avec un regard plutôt positif sur le candidat des travailleurs et un documentaire sur les travailleurs eux-mêmes, les « gueules noires ». Dans le documentaire de Miller sur Mélenchon on doit toutefois encore en passer par les « faiseurs d’opinion », experts compétents dans le domaine de la critique politique, comme par exemple Alain Duhamel et Christophe Barbier.
Mais Alain Duhamel, qui ne doit pas connaître le « phi » de philosophie se pose avec l’autorité d’un savoir suffisant qui n’a même plus à argumenter ou questionner ses propres préjugés pour essuyer d’un revers de main les positions auxquelles il ne reconnaît guère de légitimité. Il n’a alors pour seul et pauvre reproche que la dramatisation et l’urgence de chaque question pour le candidat Mélenchon. Le sérieux de l’expert pragmatique toujours tempéré s’oppose alors à l’emportement inconditionnel et donc aveugle aux nuances du réel.
Mais il faut inverser les positions, celui qui ne cherche même pas à débattre des idées et projets politiques ne s’en prend qu’à une conduite personnelle caricaturée. C’est là qu’est le refus des nuances et de la complexité de la réalité Mélenchon. L’attitude du candidat Mélenchon est donc labellisée « démesure », pas besoin dès lors de s’intéresser à un programme qui doit être lui-même démesuré comme son représentant.
Quiconque sort donc du cadre de la manière habituelle de délibérer doit être condamné au silence. Les seules questions qui peuvent avoir écho sont celles posées à l’intérieur d’un cadre déjà posé. Autant dire qu’il ne faut pas trop bousculer les codes, le système est pré-donné et il est ce qu’il doit être, ne doivent se poser que des questions techniques à l’intérieur d’un modèle de société qui n’est plus à interroger comme s’il relevait d’une nécessité naturelle indiscutable. La révolte serait donc celle d’un enfant qui ignore le réel, les sages eux laissent crier l’enfant avec une tolérance indifférente, mais parfois gênés par les cris ils le rappellent au silence et à l’écoute sérieuse du réel.
Christophe Barbier, lui, fait mine de plus de finesse (le « phi » de philosophie lui parlerait-il ou aurait-il supprimé le « phi » pour ne garder que le sophisme ?) en semblant accorder au candidat Mélenchon quelques qualités. Mais cela pour mieux conduire aux mêmes conclusions car ces qualités sont celles que l’on peut reconnaître, avec un regard attendrissant et condescendant, au doux rêveur ou littérateur qui est d’autant plus attachant qu’il ne semble pas présenter le risque d’une réalisation effective de ces rêves. On est donc en droit d’accorder quelques qualités sans risque puisque ce ne sont cependant, dans le domaine politique, que des faiblesses synonymes d’échec. Mais rien n’y fait le réel s’impose, malgré les postures de ces gardiens de la Cité, la politique apparaît avec Mélenchon comme un engagement non fait d’acceptation soumise mais d’une immersion dans le réel pour mieux le transporter vers ce à quoi il aspire pour l’humain.
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