Des gens et des bêtes : de Pythagore à Jean Luc Mélenchon
Formation insoumise sur les droits des animaux.
La France Insoumise – Bruxelles entame un cycle de formations internes, sur la base des connaissances et compétences propres à nos insoumis ou en recourant à des intervenants externes. La première formation s’est tenue le 9 novembre dernier avec un thème qui peut paraître éloigné des problématiques politiques. Nous avons en réalité levé le voile sur un sujet ô combien politique, transversal et appelant l’action immédiate. Un thème qui occupe encore trop peu d'espace dans le débat public.
La France Insoumise, avec l'Avenir en commun, constitue une exception politique en s'emparant sérieusement de la question animale dans toutes ses composantes : sociale, éthique, juridique, économique et écologique.
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Jean-Luc Mélenchon est le seul homme politique qui dénonce et refuse le déni général sur la question de l’élevage industriel et de la surpêche prédatrice. Durant l'élection présidentielle, chacun de ses meetings a résonné de ses paroles sur les bêtes. Il est le seul candidat à se soucier de la 6ème extinction qui se déroule sous nos yeux dans une indifférence apparente et du sort insupportable que nous réservons aux animaux d'élevage. Il est le seul homme politique à parler des mille milliards d'animaux marins tués chaque année.
Quelques interventions sur la cause animale :
- Discours à l’Assemblée Nationale le 4 juillet 2017
- Meeting à Lille le 12 avril 2017
- Invité à Des Paroles et Des Actes (Fr2)
La France Insoumise demeure l'unique voix politique à dire clairement que la remise en cause de notre (sur)consommation de produits animaux et par suite de notre modèle agricole est un sujet central et prioritaire. Faire des animaux un sujet central de notre politique, ce n'est pas chercher à créer une internationale sentimentale. La réalité c'est que tant que la gauche ne se sera pas emparée de l'état d'urgence climatique et animale, tout discours concernant les valeurs de solidarité et de fraternité ne sera qu'une inefficace langue de bois.
1 - Un défi écologique, climatique, sanitaire, alimentaire
Des chiffres insensés, un système d'exploitation dément :
- 69 milliards d’animaux terrestres sont abattus chaque année pour notre consommation soit 178 millions par jour.
- 1000 milliards d’animaux marins, soit 2,7 milliards par jour, sont capturés, éviscérés, gaspillés ou mis en vente chaque année.
- 95 % des animaux d’élevage sont élevés hors sol, incarcérés. Ils ne voient le jour et ne respirent de l’air libre qu’une seule fois dans leur courte vie : pour aller à l’abattoir. Ils sont abattus très jeunes : 1 an pour les porcs, 1,25 mois pour les poulets.
- La destruction la plus massive se passe dans le silence des mers. Il s’agit là d’une véritable guerre menée avec des moyens quasi militaires : sonars, radars, prédation nocturne, filets dérivants aussi grands que des terrains de foot. Certaines palangres font 80 kilomètres de long. Les dégâts écologiques et le gaspillage sont considérables.
- On estime que pour 500 grammes de poisson consommable environ 13 kilos d’animaux marins sont tués. La pêche au thon par exemple menace directement 145 espèces non consommables (dont les tortues, les dauphins, les requins, mais aussi les albatros…)
Un impact sur l'écosystème que l'on ne peut plus ignorer
Pourquoi l’industrie de la protéine animale et de l'exploitation des produits animaux est-elle devenue un problème de société central auquel l’humanité est confrontée ?
Parce que l'échelle atteinte par l'élevage déstabilise profondément les écosystèmes : il est la principale cause (a) de l'effondrement de la biodiversité, et (b) un des principaux facteurs du changement climatique ; il est devenu (c) un sujet central de santé publique et (d) de sécurité alimentaire.
Première cause de la 6ème extinction des espèces
Nous sommes entrés depuis les années 70 dans la 6ème extinction de masse, ce que les chercheurs ont nommé "l'anéantissement biologique de la planète ».
Dans un déni généralisé, voire organisé :
- 58% des vertébrés et 76% des insectes ont disparu en 30 ans.
- L’élevage est cause de 80% de la déforestation.
Toute la chaîne alimentaire est affectée :
Les terres consacrées à l’élevage détruisent les habitats, les territoires et la nourriture des animaux sauvages.
Dans les rivières et les océans, la pollution générée par l’élevage industriel détruit aussi la faune aquatique , sa nourriture, ses zones de reproductions.
Tous les continents sont affectés par l’effondrement de la biodiversité :
Ce ne sont pas seulement les guépards, les girafes et les grands singes qui disparaissent, mais aussi les invertébrés comme les coraux, les éponges ou les anémones de mer et encore, des espèces communes comme les chardonnerets, les tortues, les papillons, les abeilles…
Première cause du changement climatique :
22% des gaz à effet de serre (GES) sont liés à l’agriculture-élevage dont 14% liés à l’agriculture en direct ( le méthane a plus d’effet de serre que le CO2) et 17% sont liés à la déforestation, dont une écrasante majorité (80% en zone tropicale) est liée à l’élevage.
À comparer à 13% de GES émis par les transports ou 19% par l’industrie.
Le GIEC a calculé que réduire la consommation de viande et de poisson serait aussi efficace pour réduire le changement climatique que de diviser par deux le trafic routier mondial.
La source GIEC/FAO pour les GES élevage/transport :
Un grave problème de santé publique :
80% des antibiotiques fabriqués par l’industrie pharmaceutique sont consommés par les animaux ainsi que beaucoup d’autres substances (corticoïdes et anti-inflammatoires divers, antiparasitaires, hormones…). L’OMS se déclare très préoccupée par cette surconsommation qui entraîne des résistances bactériennes. Toutes ces substances se retrouvent dans le lisier qui est ensuite épandu ou vaporisé et pollue nappes phréatiques, rivières, mers, terres…
L'élevage pèse sur la sécurité alimentaire :
850 millions de personnes environ sont sous-alimentées dans le monde, les terres sont détournées de l'alimentation vivrière. 760 millions de tonnes de céréales sont utilisées pour nourrir les animaux des élevages intensifs. 97 % du soja cultivé dans le monde est utilisé pour nourrir les animaux.
Il faut 10 fois plus de terres, de ressources en eau et d'intrants pour produire 1 kg de viande de bœuf que pour produire 1 kg de haricots rouges ou de lentilles.
La production d’un seul kilo de viande peut nécessiter jusqu’à 16 kilos de céréales. Le bétail dans le monde consomme à lui seul une quantité de nourriture égale aux besoins caloriques de 8,7 milliards de personnes, plus que toute la population humaine sur Terre.

2 - Une question au cœur des questionnements éthiques, philosophiques, et juridiques :
Le 1er mai 1886 à Chicago les ouvriers de la viande entament une grève pour la journée de 8 heures. Elle sera réprimée dans le sang. Ce sera le premier 1er mai de tous nos premiers mai.
Ce sont les premiers à connaître le travail à la chaîne et ses cadences infernales. Beaucoup sont des travailleurs sans papiers et sans droits. Ils partagent la « vie nue » des bêtes qu’ils tuent et transforment en produits.
Le triangle de cuir rouge (dont les pointes symbolisent les 3 fois 8 heures : travail, sommeil, vie quotidienne) sera porté par les grévistes. Il sera adopté par le mouvement ouvrier international le 1er mai 1890.
C’est à Chicago qu’Himmler trouvera son modèle pour le meurtre de masse, pour la banalisation de la tuerie avec un niveau d’insensibilité jamais égalé.
Un grand nombre de penseurs et intellectuels survivants de la Shoah deviendront des défenseurs de la cause animale : Doblin, I.B. Singer, Canetti, Adorno, Horckheimer, Levi, Grossman… ainsi que ceux qui suivront : Levi-Strauss, P.Singer, Derrida, Foer, Cyrulnik, Fontenay...
Il s'agit d'une histoire de la pensée, qui pendant plus de 2500 ans refuse de s'avouer vaincue. Elle commence avec Pythagore et la cité idéale de Platon dans La République, se construit dans Les Lumières et continue avec ceux qui défendent les colonisés et les exploités, le féminisme, la non-violence (Hugo, Michelet, Schœlcher, Zola, Rosa Luxemburg, Jaurès). Il réunit aujourd'hui des penseurs comme Latour, Descola ou encore Burgat.
Droit animalier : quelques repères
En France, la loi Grammont de 1850, votée à grande peine et sous les quolibets, punit les mauvais traitements des animaux infligés en public. C’est la première fois que le souci des animaux apparaît à l’Assemblée Nationale. Victor Hugo et Victor Schœlcher uniront leurs voix pour arracher le vote.
La France connaîtra une série de reculs et d’avancées juridiques et un éparpillement de lois, décrets, amendements dans le code rural, civil et pénal qui rendront inefficaces leurs applications. Cependant des avancées récentes ouvrent la voie aux jurisprudences :
- Loi du 10 juillet 1976 : Reconnaissance de l'animal comme être sensible Article L214 du code rural (qui donne son nom à l’ONG éponyme)
- Loi du 9 mars 2004 : création d’un délit de sévices sexuels sur les animaux
- Loi du 16 février 2015 : L'animal devient un "être doué de sensibilité" dans le Code civil.
Mais les animaux demeurent sous le régime des biens, ils ne sont plus des choses mais toujours pas des êtres.
Les principales directives européennes concernent le transport des animaux et les bétaillères, domaine où les avancées ont été les plus « conséquentes ».
Exemples :
- La directive sur les poules pondeuses a permis d’obtenir un accroissement de la surface format A4 octroyée… de l’ordre de la dimension d’une carte postale. Cette avancée « magistrale » obtenue en 1999 n’a commencé à s’appliquer qu’en 2012 !
- La directive sur les truies a permis qu’elles soient libérées de leur cage pendant quelques semaines durant la gestation, la directive de 2001 n’a commencé à s’appliquer qu’en 2013 et très lentement.
Les lobbys et les filières font tout pour vider les textes de leur contenu.
3. Revenir aux fondamentaux des propositions de l'Avenir en commun :
"Leur capacité à ressentir la souffrance est comparable à la nôtre. Les êtres vivants sensibles ne peuvent être considérés comme des machines biologiques."
Les mesures prioritaires :
- Mettre l'accent politique sur la transition alimentaire vers les protéines végétales comme JLM l'a fait durant toutes ses campagnes depuis 2012 : Encourager les productions végétales comme les légumineuses, en particulier celles qui reposent sur les techniques les moins agressives pour l’environnement, qui sont aussi des modes de production plus riches en emplois.
- Continuer comme JLM l'a fait au parlement européen à dénoncer les insuffisances du programme Reach sur l'expérimentation animale et demander la transition vers l'abolition en appliquant strictement la règle des « 3 R » : remplacement, réduction, raffinement.
- favoriser le recul de l’élevage intensif (pisciculture incluse) et de la pêche, au profit du développement et de la valorisation de productions végétales, et du développement d’emplois répondant à des besoins sociaux mal satisfaits ;
- favoriser l’orientation de la demande de produits d’origine animale vers des élevages vraiment respectueux du bien-être animal.
Pour aller plus loin :
- travailler avec les juristes spécialistes du droit animalier pour créer un droit spécifique et un statut de "sujet de vie" aux animaux.
"Personne ne peut plus nier sérieusement et longtemps que les hommes font tout ce qu'ils peuvent pour dissimuler ou pour se dissimuler cette cruauté, pour organiser à l'échelle mondiale l'oubli ou la méconnaissance de cette violence que certains pourraient comparer aux pires génocides (il y a aussi des génocides d'animaux : le nombre des espèces en voie de disparition du fait de l'homme est à couper le souffle)."
Jacques DERRIDA, L’animal que donc je suis
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